Ustensiles et cie !
Jouer avec des objets du quotidien stimule la créativité du jeune enfant...
Crèdit photo : Marina Lemarié
Ustensiles et cie !
Fini les placards et les pièces qui débordent de jouets ! Revenons à des choses simples, autour de supports de jeux issus d’objets du quotidien. Comprendre le jeu de l’enfant pourrait bien être la manière de lui proposer autre chose que des jouets. Jouer sans jouets développe la créativité de l’enfant et lui offre de véritable feed-back indispensable au développement de nouvelles connexions cérébrales. Alors pourquoi jouer sans jouets ? Et si je vous emmenais dans un coffre à jouets sans jouets ?
Qui n’a jamais vécu cette scène où l’enfant dit « je m’ennuie », alors qu’il a des jouets à gogo tout autour de lui et que le réflexe va être de se tourner vers un écran de jeux vidéo ? Les jouets ne rempliraient plus leurs fonctions pourtant tant vantés sur le carton d’emballage et les écrans s’empareraient avec habilité de ce temps d’ennuie ! Quand on sait que le jeu est le premier fabricant des matériaux de l’intelligence et qu’à ce titre le jeu est digne d'une ″école″, en mieux, car il est au cœur des apprentissages de l'enfant, il est important de revoir sa copie face aux supports de jeu proposés aux tout-petits comme aux plus grands.
Le jeu fait partie intégrante de la vie de l’enfant. Demander donc à un enfant en train de jouer ce qu’il fait ? Il vous répondra, très concentré : ″ rien, je joue ! "
Le jeu est l’activité par excellence, raison pour laquelle il occupe une place importante dans la vie de l'enfant, quel que soit le pays. Le jeu est universel parce que naturel et fondamental au développement de l’enfant. Il ne doit pas être optionnel, mais obligatoire ! Le droit de jouer fait partie de la convention des droits de l’enfant (article 31). Le jeu est un outil de rencontre, d'intégration par les échanges et la cohabitation. Il favorise le développement de la sociabilité et l’entraide. Il offre la possibilité d’apprendre cognitivement le développement des perceptions, de l’attention, de la mémoire, de la motricité, du langage, et du raisonnement (que l’on nomme aussi de fonctions exécutives). L'activité ludique pourrait se définir comme un terrain d'expression pour l’enfant, puisque le jeu permet de mettre en scène ce qui l’étonne, le surprend, le dérange, le questionne, l’ embarrasse émotionnellement, et ce qui le rassure aussi. On parle de la fonction cathartique du jeu. Pourtant, dans notre société de surconsommation, on achète des jouets, mais les enfants ne jouent pas plus pour autant. Alors qu’est-ce qui cloche ?
La philosophie du jouer sans jouets
La réalité est là : Il y a tant de possibilités, avec ces jeux marketés, qu’on en oublie presque l’essentiel… : jouer tout simplement ! Place aux casseroles, tuyaux, pompes à vélo, cartons d'emballages, etc : en gros tout ce qui est sans mode d'emploi ! La philosophie du jouer sans jouets prône pour des supports de jeu qui sont de véritables supports d'apprentissage parce que réels. Restons simples dans les supports de jeu que l'on propose aux enfants, leur développement n'en sera que meilleur ! À vouloir bien faire, voire, trop bien faire, nous tombons dans du matériel de jeu qui dessert le jeu de l'enfant. D'après Céline Alvarez, les jouets ne permettent pas d'exercer chez l'enfant ses fonctions exécutives parce qu'ils n'offrent pas de motifs réels d’imitation. Une assiette en plastique de dînette ne casse pas, elle n'offre donc aucun Feed-back immédiat. En faisant avec les objets et non les jouets, l'enfant peut mettre en action son contrôle inhibiteur en faisant attention. Il APPREND pour de vrai et non pour de faux ! ( extrait de mon livre "On est fait pour ça ! ". Les objets du quotidien ou de la nature (bouteilles, boîtes, emballages, bouts de bois, etc.) en plus de nous aider à moins consommer, moins jeter et recycler, offrent à l’enfant la possibilité de développer son imagination, sa créativité, de trouver des stratégies de mise en œuvre. Dans mon livre, je vous parle de la Play Pod ou la boîte à jeu, mise en place en Angleterre puis dans des écoles françaises afin de mesurer l’effet d’objets mis à disposition dans une cour sur le comportement des enfants. L’imagination est le premier outil de mise en scène de ces objets. L’ intelligence s'étaye en manipulant des objets du quotidien qui leur permette d'atteindre leurs objectifs. Faire semblant, ça ne leur suffit pas, c'est pour cette raison qu'un grand nombre de jouets sont peu exploités et finissent mal; ils veulent du vrai, du concret pour accéder à la précision de leurs gestes.
Si je vous parle de jeu, c’est parce que cette semaine le jeu est est à l’honneur ! En effet, mardi 4 octobre, j’anime une conférence pour La communauté d'agglomération Loire Forez sur l’intérêt du jeu chez l’enfant, vendredi 7 octobre, je serai en Belgique au sein d’une crèche pour ma formation jouer sans jouets. Le lendemain, c’est tout près de Reims que je partagerai mon expérience au Danemark afin de travailler en équipe sur l’équipement stratégique de l’espace extérieur de la crèche simplement et sûrement. En effet, mon séjour au Danemark m’a permis de constater que le modèle d’éducation scandinave privilégiait les objets et plus surprenant encore les outils. Le choix entre jouets et outils est vite fait là-bas ! Pour cause, apprendre se fait avec du VRAI ! C’est également un des principes du courant de pensée de Maria Montessori, qui s’appuie sur l’apprentissage par l’action de faire et le comment s’exercer à faire et refaire des gestes afin de les maîtriser. L’idée n’est pas de démunir l’enfant de jeu, bien au contraire, c’est de lui offrir ce qui lui sera le plus bénéfique. Et qu’est-ce qui ressort, si vous regardez bien ? Les choses les plus simples !
Dans mon livre comme dans ma formation « Jouer sans jouets » j’aime donner cet exemple des petites voitures… Inutile de dépenser des fortunes dans un garage ultrasophistiqué, mais pensez plutôt un des jeux simples, comme des petites voitures, et un support qui favorise ce jeu. Je donne régulièrement l’exemple du carton de pizza vide, ou de ruban adhésif, avec lesquels on trace des parkings. Les enfants adorent les parkings, et sauront vite créer leur univers de jeu. En extérieur, c’est encore mieux !
Pour finir la notion de plaisir est vraiment centrale dans le jeu :
Selon le psychologue Jean-Luc Aubert, "c’est parce qu’il est associé au plaisir que le jeu se révèle être le moyen d’apprentissage le plus performant. C’est le premier fabricant des matériaux de l’intelligence. C’est lui qui multiplie et stabilise les schémas neuronaux dont l’enfant aura besoin ultérieurement pour des tâches plus scolaires ou intellectuelles".
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Marina Lemarié formatrice et consultante spécialisée dans l'aménagement au naturel des espaces d'EAJE
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